J’ai panique morale que va susciter Tinder et autres applications de rencontre est nulle et non avenue.

J’ai panique morale que va susciter Tinder et autres applications de rencontre est nulle et non avenue.

Temps de lecture: 9 min

Dans le Manhattan des annees 1860, les jeunes messieurs et demoiselles en quete d’un peu de griserie pouvaient pousser la porte d’une petite papeterie de quartier, ouvrir le carnet d’apparence anodine pose sur le comptoir et griffonner un message destine tout le monde nos inconnus aussi dans la confidence.

Lorsqu’un tel carnet tomba entre les mains de George Ellington, le chroniqueur mondain new yorkais allait y trouver, page apres page, les mots d’individus parlant d’eux-memes a la troisieme personne:

«Mademoiselle Annie B. –jeune femme d’excellente famille, probablement tres talentueuse et tout d’un temperament affable, souhaite dialoguer cartes de visite avec un “gentil” monsieur.»

«S.J. A. –un jeune homme bien mis de sa personne, mais neanmoins plein d’esprit.»

«Blanche G. –une tres jolie fille, 20 annees, emplie d’esprit. Vise a correspondre, a se distraire et a satisfaire a la curiosite d’observer combien de messieurs sont assez sots pour repondre a i§a.»

«James P. –monsieur tres engageant, de 35 ans, cherche a correspondre avec une jeune femme aux yeux bleus et aux cheveux clairs. Devra etre grosse, pas plus jeune que 25 ans sans depasser nos 40. Le charme est preferable a Notre beaute. Doit avoir du type.»

Sous chaque annonce, l’auteur avait note l’adresse du bureau de poste le plus proche. Ainsi, si un monsieur se trouvait transporte avec l’ecriture de Blanche G. ou d’Annie B., il pouvait envoyer un post secret dans cet etablissement et eviter que le pere ne l’intercepte. Comme bon nombre d’hommes de le epoque, Ellington ne pensait pas ces dames capables d’envoyer ou de receptionner du courrier. A chaque tournee postale, votre homme malfaisant se voyait offrir une nouvelle occasion d’enchainer une innocente jeune femme au «vice d’une correspondance clandestine».

A l’aube de l’apocalypse d’une drague

Cette entreprise de petites annonces, vilipendait Ellington, ne pouvait attirer qu’une «certaine classe d’individus de la metropole –notamment celle qualifiee de demi-monde, faite d’hommes et de femmes presses enclins a une vie rapide». Ellington, pour qui des hommes n’etaient cependant guere dignes de mention, noircit 650 pages de ses opinions sur les dames qu’il pensait detruire la fibre morale d’la societe avec leurs manieres de prostituees. Meme si ces jeunes filles semblaient «de l’exterieur s’amuser de leurs diverses activites nocturnes», il des diagnostiquait fondamentalement comme «blasees et fatiguees de tout». Le titre de le livre: ces dames de New York.

Est-ce que tu penses vouloir que je t’etrangle alors que je te baise, que je t’attache, que je te gifle, que je te defonce la bouche et que je te jute dessus?

Quasiment cent cinquante ans prochainement, une autre specialiste une societe new yorkaise decouvrait 1 autre reseau de rencontres permettant a de jeunes femmes de ruiner l’Amerique en faisant du sexe avec d’affreux bonshommes. J’ai chose s’appelle Tinder et, comme le raconte Nancy Jo Sales de Vanity Fair, les dizaines de millions d’utilisateurs de l’application hatent la survenue de «l’aube de l’apocalypse une drague» a chaque fois que un doigt glisse via leur ecran. Dans cette bouche de l’enfer pour smartphones, de jeunes hommes et de jeunes femmes interagissent exclusivement a base d’echanges SMS distendus qui culmineront dans une portion de «sexe porno» alcoolise, accompagne de sa garniture de dysfonctions erectiles precoces.

Petites annonces epicees

Pour peindre votre tel tableau, Sales se moque de la enquete statistiquement representative et publiee dans un journal peer-reviewed montrant que la generation Y a moins de partenaires sexuels que nos generations precedentes, pour se focaliser via l’opinion tout d’un unique psychologue qui estime qu’apres avoir fera «bombance» de partenaires sexuelles trouvees sur Tinder, les jeunes hommes en seront venus a souffrir d’une «sorte d’obesite psychosexuelle» qui les empeche de ne point se comporter comme des connards.

Mes petites annonces d’aujourd’hui sont en general plus epicees que leurs ainees –sur OkCupid, un type a recemment ouvert les hostilites de la sorte: «Est-ce que tu penses vouloir que je t’etrangle pendant que je te baise, que je t’attache, que je te gifle, que je te defonce la bouche et que je te jute dessus?» Mais la panique sexuelle et technologique sous-jacente ressemble etrangement a sa version victorienne. Quelques temps apres la publication du discours de Vanity Fair, Naomi Schaefer Riley du New York Post faisait sienne l’invective de Sales contre Tinder dans une chronique qui canalisait habilement la ferveur d’Ellington: «Tinder est occupe i  dechiqueter la societe», annoncait Riley. Notre couplage hetero est «tombe au plus bas». Bientot, le reve americain fait de «bonnes etudes, tout d’un bon boulot, d’un bon mariage, [et] d’enfants» se verra annihile par «dix annees de glissement de doigt pour du sexe».

La romance electrique et J’ai fin de l’innoncence

Les oracles mediatiques prophetisent votre prochaine apocalypse romantique depuis le premier envoi d’une requi?te en mariage par telegraphe, dans une bourrasque de lignes ainsi que points. Mais apres le telegraphe, il y eut le portable, les services de rencontre et PlentyofFish, ainsi, tous furent incapables de detruire le rituel d’accouplement heterosexuel. Je parie qu’en 2025 nous vivrons encore dans un monde rempli de familles ayant des enfants. Nous sommes deja passes par la. Alors pourquoi des technologies nouvelles reussissent i  chaque fois a activer cette belle agee panique sexuelle?

Mes technophobes ont raison parce que votre moment de l’innocence n’a jamais veritablement existe

Deja, parce que la memoire culturelle est une feignasse. Quand Sales se demande: «L’accessibilite immediate de partenaires sexuelles permise par des applications de rencontre peut-elle inciter les hommes a moins respecter les femmes?», elle parait oublier combien les hommes ont pu ne pas respecter leurs partenaires sexuelles a tous nos stades de l’histoire americaine. Certes, c’est degueulasse de voir, en 2015, un utilisateur de Tinder comparer ses conquetes sexuelles a de la bouffe commandee concernant Internet, mais la chose est bien aussi degueulasse en 2002, quand un autre type comparait sa pratique des sites de rencontre avec des jouets achetes dans eBay. En 1988, dans le livre When Old Technologies Were New [au moment oi? les vieilles technologies etaient nouvelles], la professionnel des communications Carolyn Marvin souligne que les technophobes ont tendance a craindre que Notre «romance electrique», un coup declenchee, ne puisse plus jamais repasser a «un etat plus lent et plus innocent». Ils ont raison –notamment parce que ce temps de l’innocence n’a jamais veritablement existe.

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